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LEHERPEUR Camille
(1990)
Camille LEHERPEUR - Notes sur l'artiste

Entre gravure, collage, peinture et objets, Camille Leherpeur bricole. Chaque pièce articule le rouage d’une pensée construite. Entre un discours critique de la société occidentale fondée au XIIIème siècle et une quête d’identité par le travestissement de son image, je cherche Camille.

Il peint un autoportrait à l’huile, puis décide de badigeonner son visage d’une couche dorée baveuse. Il joue avec la définition de son identité, celle que nous déterminons sur les réseaux sociaux et que Camille détourne, en empruntant celle d’un personnage dont il est l’antithèse. Camille incarne la dialectique à la française, et l’installe dans une mécanique huilée par une rhétorique furtive. En fantasmant sur le pouvoir suprême, le roi déchu, le roi Camille construit sa couronne. Elle trône, poussiéreuse, sur son bureau habité. Critique toujours ou rêve de gosse? On y trouve les traces fétichisées de sa vie privée, avec lesquelles Camille se compose une identité.

On y trouve aussi les outils et produits les plus spécifiques dont use avec maîtrise l’artiste. Fervent gardien de la technique, il est l’artisan qui se révolte contre un système opaque où il n’a plus sa place quand il s’agit de faire valoir son savoir-faire. Et cette révolte grandit dans une structure où justement, la technicité doit s’allier à l’exigence conceptuelle propre à l’art contemporain. Camille rebondit sur les deux terrains en se faisant lui-même, le créateur d’un autre système, singeant le premier en un modèle archétypal, une voie pour comprendre et révéler sa relation au monde, touchante de candeur, quand les multinationales deviennent des châteaux que la métonymie incendie.

Aujourd’hui, peut-on encore croire en la révolte ? Les timbres à son effigie lui donnent une monnaie, la monnaie est fondue puis stockée dans une boîte enluminée qui raconte l’épopée Leherpeurienne. Si l’art est l’exutoire de son indignation, il l’explore à travers une syntaxe qui met en jeu un langage qui lui est propre et se nourrit de lui-même. L’artiste indigné peut-il trouver, au sein d’une institution artistique plus que jamais liée au commerce, une famille qui l’accueille ? Ne risque t-il pas de se fondre et se confondre avec ceux-là même qu’il semble dénoncer ? S’adresser à l’art contemporain pour lui dire en ses termes qu’il est véreux, c’est une quête désespérée, et je reconnais ici celui que je connais.

Coline Sauvand

07 mai 2013